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XR Must | Interview de Camille Dubelleroy, réalisatrice de l’expérience LADY SAPIENS

Camille Duvelleroy est une scénariste et réalisatrice d’histoires interactives. Avec près de 10 ans de création, à travers toutes les modes, ses projets ont abordé – tous supports confondus – les réseaux sociaux (ETÉ, 2017-2018), la bande dessinée interactive (PANAMA AL BROWN, 2018), le documentaire VR (ON/OFF, 2017) notamment. Elle revient aujourd’hui avec une expérience événement, LADY SAPIENS, prévue pour la rentrée prochaine et déjà en sélection dans les festivals.

LADY SAPIENS est un projet multi-plateformes de France Télévisions, à la fois documentaire linéaire pour France 5 (une enquête scientifique écrite par Thomas Cirotteau, Eric Pincas et Jacques Malaterre, réalisée par Thomas Cirotteau – dont s’est inspiré Camille Duvelleroy pour LADY SAPIENS, l’expérience), modules pédagogiques pour Lumni, livre et donc expérience interactive.

Une expérience VR dérivée du projet, RENCONTRES A SAINT CESAIRE, est également présentée au Paléosite de Saint-Césaire.

Le jeu vidéo au coeur des nouvelles écritures

Camille Duvelleroy – Quand j’ai démarré dans les écritures “transmedia”, les boîtes du web prédominaient. Web-docu, web-fiction… C’était du langage en ligne. La réalité virtuelle permet d’aller chercher de nouveaux interlocuteurs issus d’univers créatifs tel que le jeu vidéo – Ubisoft sur LADY SAPIENS en l’occurrence. Je suis fascinée par les possibilités de développement de Unity. Les narrations interactives et le jeu vidéo ont des points communs, mais, pour moi, ce sont deux industries séparées. Quand je joue, c’est à des jeux vidéo narratifs.

LADY SAPIENS – The experience © Little Big Story – Ubisoft – France Télévisions
Extrait du documentaire (bientôt sur France 5) – Un film écrit par Eric PINCAS, Jacques MALATERRE et Thomas CIROTTEAU – Réalisé par Thomas CIROTTEAU

C. D. – La puissance du jeu vidéo s’est ressenti pour LADY SAPIENS dans les possibilités de création que proposait le studio avec les assets de FAR CRY, que nous avons ensuite monté dans Unity. On a eu accès à des centaines d’assets, de décors, d’animaux, d’objets pour concevoir l’univers de notre expérience. A la base, j’ai dessiné sur des papiers mes intentions, j’ai posé les grands principes de l’expérience. Ensuite l’équipe a assemblé les éléments nécessaires en peu de temps, et on a avancé très rapidement sur un premier prototype. Je pouvais aussi faire des retours en sachant qu’il suffisait de déplacer les choses, de ne pas les réinventer. C’était un peu le choc des cultures, notamment sur la vision d’autrice que je devais tenir, et qui était aussi soutenue par Sophie Parrault (productrice chez Little Big Story). Mais à travers les échanges on a appris à travailler ensemble, avec des discussions très ouvertes – surtout en année Covid, moi à Toulouse, eux à Paris..

Conserver son regard d’autrice

C. D. – J’ai dirigé l’expérience avec mon regard d’autrice, de femme sapiens du 21eme siècle, qui découvre qu’on lui a menti sur la place de la femme au Paléothique. J’ai fait attention à désexualiser les corps. Il fallait revenir à la réalité de l’époque abordée. L’intérêt de la VR a été de s’apercevoir de certains détails à corriger, de prendre du recul immédiatement. Ce qui m’intéresse, ce sont les mécaniques qui permettent de fabriquer un jeu vidéo, les interactions, les gestions de règles… Chaque événement a une conséquence sur le joueur mais aussi l’environnement. Il fallait aussi que LADY SAPIENS soit très simple d’accès, très intuitive. Je joue avec la présence d’un autre personnage qui accompagne le joueur/la joueuse, qui lui parle, qui l’invite à la suivre… Je répète les interactions pour créer une rythmique, des rendez-vous, des repères, dans l’expérience.

C. D. – Ces nouveaux outils sont fascinants, mais je défends l’idée d’une vision d’autrice avant tout. J’ai besoin d’un propos. LADY SAPIENS est une expérience documentaire à jouer dans un casque de VR. J’y ajoute ma vision de femme d’aujourd’hui, aidée par le travail de la préhistorienne, Sophie Archambault de Beaune. Son travail a permis de remettre à plat la réalité des interprétations du Paléolithique. LADY SAPIENS réinterroge ce que l’on a toutes et tous appris dans les programmes scolaires et propose une nouvelle vision de nos ancêtres : la femme et l’homme étaient égaux. Si la forme et le contenu sont intéressants, j’utilise les outils que j’estime les plus pertinents pour raconter cette histoire – sans pour autant me placer comme pédagogue, ce n’est pas du tout mon rôle. Je convoque les émotions, le ressenti avant tout.

C. D. – Mes choix restent dépendants de la technologie. En travaillant avec Ubisoft, l’ironie venait d’assets 3D magnifiques, prévus pour consoles surpuissantes, qui ne passent pas dans les casques. Il faut donc baisser la qualité, discuter quel casque, quel environnement sonore selon les capacités de l’équipement final..

Concevoir un projet transmedia : l’oeuf ou la poule ? (ou les deux)

C. D. – Je travaille de deux façons : soit j’ai l’idée, soit on me demande de travailler sur un sujet. Dans le deuxième cas, je démarre le projet en m’emparant de la matière déjà existante, en me documentant sur le sujet proposé. Je réunis des notes, des mot-clés, des intuitions… Pour LADY SAPIENS ça a été assez évident. Pour ÉTÉ, j’ai tout de suite tous les principes : un feuilleton, un palindrome, une bande dessinée, sur deux mois, sur Instagram… Avec les contraintes que cela peut bien évidemment engendrer ! Et même au cœur des transformations du réseau social, en cours de production, on s’est tenu à ces éléments. C’est là où il faut conserver l’ADN de son projet, même en le faisant évoluer.

C. D. – Je ne sais pas raconter une histoire sans en connaître la forme (le “comment”). Quel support, quel rythme et enjeux de diffusion… mais aussi comment je peux la réaliser. Tout doit venir en même temps, la forme et le fond. Sans cela, je ne formule pas d’idées. Je travaille donc sur l’ensemble, pour formaliser le projet. Concernant la réalité virtuelle, ça me semble obligatoire que le projet soit interactif. Dans LADY SAPIENS j’aime aussi l’idée de l’incarnation corporelle. J’ai intégré les obligations de diffusion dans le format de l’expérience. J’ai dû abandonner certaines idées en chemin, mais la forme globale de LADY SAPIENS était là au départ. Pour mon prochain projet, la série PATIENCE MON AMOUR (lien) – qui sera lancée le 12 juillet sur @arte_asuivre – une série instagram en format storie en 31 épisodes , c’est quand j’ai compris que j’allais raconter une histoire en croisant vidéo verticale et échanges SMS dans une application que j’ai pu tout écrire et ensuite réaliser.

C. D. – J’aime associer création et diffusion, et envisager des œuvres qui rencontrent vraiment le public – pas qu’une circulation en festivals. L’installation RENCONTRES A SAINT CESAIRE au Paléosite de Saint-Césaire (Charente-Maritime), c’est formidable ! L’intérêt des musées et des lieux accueillant déjà du public, c’est que l’audience existe déjà, elle est là. C’est une vraie opportunité pour les nouvelles écritures et la réalité virtuelle si on veut vraiment démocratiser nos créations. Idem pour les projets déployés sur les réseaux sociaux. Arrêtons de vouloir créer des lieux nouveaux et travaillons avec ce qui existe déjà.

LADY SAPIENS est en sélection à NewImages / FIPADOC / PiXii Festival.

RENCONTRES A SAINT CESAIRE – VR space created by Lucid Realities – Photos © Alexandre Roux